Datations

Dater le site archéologique est l'un des objectifs de l'intervention archéologique sur le terrain. Plusieurs méthodes de travail y participent pendant l'étude. Certaines sont des analyses en laboratoire utilisant les sciences "dures". Explication.

Chronologie relative versus datation absolue?

L’archéologie utilise au quotidien la stratigraphie pour définir une chronologie relative. En observant l’organisation des couches de sédiment entre elles, on détermine leur ordre de déposition. La couche la plus profonde est plus ancienne que celle qui s'est déposée dessus, etc. Avec ce raisonnement, on obtient donc un ordre chronologique des vestiges archéologiques entre eux.

Cependant, cette chronologie est relative car elle n’est pas calée par des dates précises mais par un ordre d'évènements relatifs les uns aux autres. Pour obtenir des datations précises de sédiments, il faut étudier les artéfacts et écofacts qui s’y trouvent. Il s’agit d’étudier la céramique et le petit mobilier, appelé aussi l'instrumentum.

Parfois, les archéologues vont utiliser les sciences dures pour chercher des datations absolues, c'est-à-dire qui donnent une estimation (fourchette de valeurs) de l'âge d'un objet ou d'un évènement et non plus un ordre chronologique relatif.

Ces techniques appartiennent à l’archéométrie, c’est-à-dire la discipline qui utilisent les sciences dures pour l’étude et notamment la datation d’éléments archéologiques. Les techniques citées ci-dessous utilisent les propriétés physico-chimiques de certains artéfacts et écofacts archéologiques pour fournir des datations.

Loin d'être antagonistes, ces façons d'appréhender les datations sont complémentaires. Tout est utile pour comprendre le site archéologique !

Datation au carbone 14

La méthode

Il s’agit de la technique la plus connue concernant la datation absolue en archéologie.

La datation C14 est réalisée uniquement sur les éléments organiques qui contiennent l’élément carbone (ex : charbon de bois, ossement,…). Le carbone 14, isotope radioactif, n’est plus produit par un organisme vivant dès que ce dernier meurt. Le carbone 14 contenu dans l’organisme se désintègre alors progressivement.

En mesurant la perte de C14 dans un organisme, on peut donc en principe calculer la date à partir de laquelle il a arrêté d’en produire, c’est-à-dire la date de mort de l’organisme.

Une analyse C14 d’ossements humains donne la date du décès de l’individu.
Une analyse C14 de charbons de bois donnera la date d’abattage de l’arbre.

Les limites de la technique


Selon les époques et leur référentiel, la précision de la datation C14 varie. La technique permet des résultats fiables sur des éléments datant de 50000 ans maximum.

En outre, la technique suppose une dégradation constante du C14 de l’organisme que l’on cherche à dater. Pourtant cette dégradation peut subir des variations diverses qui doivent être prises en compte dans l’étude (apport extérieur de C14, etc.). Cela rend la technique utilisable dans des conditions spécifiques.

Graphique présentant les datations de trois squelettes sur une échelle de temps.

Exemple de tableau de datations au carbone 14 effectuées sur les squelettes issus de sépultures médiévales découvertes lors de la fouille de Saran Portes du Loiret-zone E en 2012. Cette étude a été menée par le Poznań Radiocarbon Laboratory.

Elle apporte des fourchettes de datation utiles aux archéologues dans leur étude d’un site, notamment quand le mobilier archéologique "datant" (céramique, etc.) vient à manquer.

Archéomagnétisme

L’archéomagnétisme utilise les caractéristiques physiques de l’argile chauffée et notamment des oxydes de fer qu’elle contient. Cette méthode étudie les propriétés du champ magnétique terrestre qui varie dans le temps en direction et en intensité.

Quatre photos accolées montrent le prélèvement par un archéologue de mottes de sédiement de manière très précise.

Prélèvements pour une étude d'archéomagnétisme effectués dans le cadre de la fouille de Gidy-rue du Château en 2017. Situés à l'intérieur d'un four domestique médiéval, l'objectif est d'obtenir une datation précise de sa dernière chauffe.

La technique

Lorsque l’argile est fortement chauffée, elle "enregistre" le magnétisme terrestre à un instant t : la magnétite qu’elle contient prend une orientation induite par le champ magnétique terrestre (comme l'aiguille d'une boussole). Cette orientation se fixe pendant la chauffe. À chaque nouvelle chauffe, elle reprend un alignement lié au magnétisme terrestre du moment.

Ainsi, pour réaliser une étude en archéomagnétisme d’un matériau, il faut pouvoir « lire » l’orientation, l’empreinte que l’argile a enregistrée. Les spécialistes prélèvent donc des morceaux complets d’argile chauffée trouvée à l'emplacement de leur dernière utilisation. La position précise du prélèvement sur le site archéologique est enregistrée. Son orientation par rapport au nord magnétique actuel est notée sur le prélèvement. Des mesures de magnétisme sont effectuées à l’endroit du prélèvement.

Dans le cas d'un objet en terre cuite déplacé de son lieu d'utilisation (tuile ou céramique), l'étude portera plus sur l'intensité du magnétisme terrestre enregistré que sur l'orientation du champ magnétique.

L'analyse en laboratoire

Le prélèvement est analysé. On mesure notamment les directions magnétiques qu’il a « enregistrées ».  Les données sont vérifiées, pondérées et comparées aux référentiels connus du champ magnétique terrestre dans le temps. À l’issue de ces analyses, une fourchette de datation de l’argile prélevée peut être proposée.

En archéologie, cette technique s’applique sur plusieurs types de vestiges archéologiques composés d’argile et qui ont chauffé : des foyers, des fours domestiques et d’artisanat (fours de potiers, etc.)

Deux graphiques présentent des points de datation sur une échelles de temps.

Exemple de données de l'étude archéomagnétique d'un four médiéval découvert lors de la fouille de Gidy-rue du Château en 2017. Le graphique de droite figure un intervalle de datation et à l’intérieur de cet intervalle, la datation la plus probable.

Il faut garder en tête que l’analyse donne une datation de la dernière chauffe qui a affecté le prélèvement et non de la construction du vestige archéologique étudié.

Dendrochronologie

Les arbres forment des anneaux, aussi appelés cernes, lors de leur croissance. La dendrochronologie utilise cette propriété biologique. Les anneaux marquent le temps qui passe dans la croissance de l’arbre ainsi que les changements climatiques dans son environnement de croissance.

En archéologie, elle permet de dater des fragments de bois bien conservés : soit sous forme de charbons, soit dans des milieux humides qui conservent les matières organiques, soit dans des pièces de bois encore conservées en place (charpente de bâtiment ancien par exemple).

Sur un relevé de l'architecture du château, on aperçoit les légendes de chaque élément.

Coupe longitudinale du château-musée de Gien présentant les charpentes en coupe transversale, les contreventements et les marques d’assemblages. Ce relevé accompagne les travaux de datation dendrochronologique.

La technique

Un prélèvement est effectué dans le fragment de bois à étudier avec pour objectif de saisir une séquence de cernes la plus complète possible.

Ensuite, les spécialistes analysent cette « empreinte » de l’arbre et la comparent à des référentiels. Les référentiels correspondent à des enregistrements de séquences de cernes datées de manière certaine par d’autres méthodes et cataloguées par espèce d’arbre et par région.

Sur un plan du château de Gien sont représentées les zones où les prélèvements de dendrochonologie ont été effectués ainsi que les datations qu'ils ont fournies.

Positionnement des prélèvements effectuées dans la charpente du Château-musée de Gien lors de l'étude dendrochonologique effectuée en 2014. Le code d'abattage correspond à la date où l'arbre analysé a été abattu.

Les spécialistes consultent cette « bibliothèque ». Pour simplifier, ils comparent la séquence de cernes du morceau de bois qu’ils étudient à ceux déjà référencés pour attribuer une datation.

Les différentes étapes de construction du château de Gien sont indiquées sur un plan avec des applat de couleur.

Phases du chantier de construction du Château de Gien selon les datations obtenues par dendrochronologie sur les bois de charpente. Cette étude a été réalisée en 2014.

Les limites

La dendrochronologie donne la date d’abattage du bois, c’est-à-dire le moment où la croissance du morceau étudié a stoppé. Elle ne permet pas d’affirmer la date d’utilisation du bois.

L’évolution des cernes de l’espèce d’arbre étudiée doit être connue dans la région du site archéologique d’où elle provient et à la période correspondante. Bien que de moins en moins nombreux, notamment en Europe, il arrive que des zones ou des périodes ne soit pas renseignée dans les référentiels.

Finalement, le morceau de bois doit être suffisamment gros pour permettre une identification claire de la période, une petite « empreinte » risque d’être trop partielle pour identifier une séquence équivalente dans le référentiel.

Thermoluminescence et LSO

La technique

La thermoluminescence utilise les propriétés physiques de certains cristaux (quartz, feldspath, etc.). Ces cristaux emmagasinent la radioactivité naturelle de l’environnement ambiant (sol, etc.). Et, lorsqu’ils sont chauffés dans les conditions maîtrisées de l’analyse par thermoluminescence, ils restituent cette énergie en émettant de la lumière.

En mesurant l’accumulation présente dans ces cristaux, on peut dater depuis combien de temps, il accumule de la radioactivité donc théoriquement son existence. La datation par luminescence stimulée optiquement (LSO) – en anglais Optical Stimulated Luminescence dating (OSL) – est une des techniques de la thermoluminescence.

Photo zoomée sur des cristaux de quartz rose.

Les propriétés physiques de certains minéraux comme le quartz permettent la datation par thermoluminescence.

L'application en archéologie

En archéologie, la datation par thermoluminescence va s’appliquer particulièrement aux structures archéologiques et aux artéfacts qui contiennent les cristaux adaptés à l'analyse et qui ont subis une chauffe : incendie, cuisson dans un four.

En effet, la chauffe, même accidentelle, aura alors « relâché » la radioactivité des cristaux. Ces derniers vont recommencer à l’accumuler à partir de la chauffe. La date fournie par l’analyse en thermoluminescence sera donc celle de la dernière chauffe.

La technique a ses limites. La mesure peut être faussée ou perturbée par une exposition de l'échantillon à une source radioactive (ex : lumière du soleil), de manière naturelle (exposition à l'air libre) ou accidentelle (au moment du prélèvement). Ceci va brouiller définitivement les calculs.

Les cristaux ont une limite de stockage de la radioactivité naturelle. Au-delà d'un certain seuil, ils ne réagissent plus. La méthode de la thermoluminescence peut mesurer une ancienneté maximale d’environ 700 000 ans.

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