Au bureau : la post-fouille

On pense souvent (à tort) que l'archéologie s'arrête à la phase terrain. Une fois les truelles rangées, c'est une nouvelle étape qui commence : la post-fouille.

De nombreuses fournitures de bureau posées les unes à côté des autres : crayon, gomme, etc.

La post-fouille se compose de toutes les étapes de traitement des données récoltées pendant le chantier : gestion du mobilier, étude des vestiges, rédaction du rapport, etc. Cette phase d’étude dure approximativement le même temps que la phase de terrain. Les étapes qui la composent sont réalisées en parallèle par un, une ou plusieurs archéologues.

1/ Le lavage du mobilier archéologique

Sur une table, se trouvent les outils nécessaires aux archéologues pour le lavage à la main et à l'eau du mobilier archéologique.

Une des premières étapes de post-fouille au bureau : lavage à l'eau du mobilier archéologique dont la résistance permet d'être humidifé. Les outils sont une bassine, une brosse à main voire une brosse à dents et de l'eau !

Des fragments de céramique sont posés sur du papier journal.

Le mobilier archéologique est lavé tout en conservant précieusement ses informations d'identification : couche de sédiment de la mise au jour, numéro de la structure archéologique, etc. Il ne faut surtout pas mélanger les sachets.

Des grilles contiennent des fragments de céramique en train de sécher.

Une fois le mobilier archéologique lavé (à l'eau ou brossé à sec), il est mis à sécher sur des grilles, sans perdre leur identification et sans mélanger les sacs de provenances différentes.

Deux archéologues se trouvent à côté du matériel nécessaire au lavage par nettoyeur haute pression de mobilier archéologique.

Quand le mobilier archéologique est suffisamment résistant (notamment la terre cuite architecturale), il arrive que le lavage soit effectué avec un nettoyeur haute pression (de type Karcher©).

Zoom sur le lavage en cours de mobilier archéologique à l'aide d'un nettoyeur haute pression.

Nettoyage en cours de mobilier archéologique à l'aide d'un nettoyeur haute pression (de type Karcher©). Cette possibilité n'est envisagée que lorsque le mobilier archéologique est suffisamment résistant comme ici la terre cuite architecturale.

Un archéologue est en train de nettoyer une chaussure d'époque moderne en cuir.

Nettoyage en cours d'une chaussure en cuir datée du XVIIe ou XVIIIe s. découverte lors du diagnostic de Saint-Benoit-sur-Loire au 55 rue Orléanaise en 2015.

Le mobilier archéologique est composé de deux types d'éléments découverts sur un site :

  • les artéfacts : objets manufacturés par les humains et conservés dans le temps. On peut citer en exemple des outils, de la vaisselle, etc.
  • les écofacts : restes organiques conservés dans le temps. Il peut s'agir par exemple de graines, de matières animales ou encore d'ossements humains.

Au retour du terrain, le mobilier doit être nettoyé avec une technique adaptée à sa fragilité, qui permet son étude et sa bonne conservation dans le temps.

2/Le conditionnement et l'inventaire du mobilier archéologique

Une fois le mobilier archéologique nettoyé et séché (si besoin), il subit plusieurs étapes d'une chaîne opératoire destinée à le stocker dans les conditions nécessaires à sa conservation en bon état (sachet adapté, humidité maîtrisée, etc.).

En parallèle, le contenu de chaque sachet est inventorié. On note le nombre d'éléments dans chaque sac, leur poids, le numéro de la caisse dans laquelle le sachet est rangé, etc. Ces informations sont saisies en base de données.

Cela permet de pouvoir situer et retrouver en un coup d'œil chaque mobilier archéologique si besoin : lors de l'étude par le ou la spécialiste, du versement des collections à l'État, etc.

Sac de conditionnement de mobilier archéologique sur lequel sont notées les références de ce qu'il contient.

Exemple de conditionnement de mobilier archéologique

Deux archéologues sont dans une salle d'étude entourés du matériel nécessaire pour mettre en sac et en caisse le mobilier archéologique.

Pendant la post-fouille, le mobilier archéologique nettoyé est inventorié (compté, pesé, décrit) et conditionné dans un sac et une caisse adaptés, comportant toutes les informations nécessaires à son identification.

Piles de caisses contenant du mobilier archéologique.

Exemple de stockage de caisses de mobilier archéologique.

Extrait de la base de données de gestion de mobilier archéologique du service.

Exemple de base de données d'inventaire de mobilier archéologique utilisée par le service.

3/Le nettoyage des données de terrain

Une archéologue est assise devant plusieurs écrans d'ordinateur.

Lors de la post-fouille, phase d'étude des données au bureau après le terrain, les archéologues réalisent de nombreuses étapes de travail sur ordinateur : saisie et correction des bases de données, dessin et publication assistés sur ordinateur, etc.

On aperçoit une main d'archéologue pointant une information sur un grand papier imprimé. Ce dernier contient une grande quantité de données reliées entre elles comme un arbre généalogique.

Un arbre stratigraphique contient l'ensemble des unités stratigraphiques (couches de sédiment, etc.) d'un site archéologique et leurs relations les unes avec les autres.

Si vous avez bien suivi la description des méthodes appliquées sur le terrain, vous avez compris que l'objectif principal est d'enregistrer un maximum d'informations archéologiques de manière compréhensible et pérenne afin d'en déduire autant d'hypothèses que possible sur le site archéologique en général.

Pour que cet enregistrement soit précis et juste, l'ensemble des données est vérifié au bureau de manière à repérer les manques ou les petites erreurs. La base de données est ainsi utilisable par l'ensemble des archéologues qui travaillent à la post-fouille : spécialistes pour l'étude du mobilier archéologique, responsable de l'opération pour la rédaction du rapport, etc.

Un exemple concret : l'arbre stratigraphique

L'analyse stratigraphique est une méthode capitale en archéologie puisqu'elle permet de comprendre dans quelle ordre les installations humaines se sont enchaînées.

Parmi les missions de post-fouille, notamment pour les fouilles de grandes surfaces et qui ont mis au jour de nombreux vestiges complexes, il faut créer un arbre stratigraphique. Sur le principe d'un arbre généalogique qui ordonne les ascendants et les descendants d'une famille, l'arbre stratigraphique ordonne l'ensemble des couches de sédiments observées sur le site archéologique les unes par rapport aux autres. Il y fait aussi apparaître avec la qualité de relation de deux couches l'une par rapport à l'autre : antérieure, postérieure, équivalente ou encore synchrone.

4/Le dessin assisté par ordinateur

Scanner numérique d'un calque de terrain comportant des dessins techniques de structures archéologiques.

Calque de dessins techniques réalisés lors du diagnostic d'Aschères-le-Marché les Cinq Cheminées en 2017. En archéologie, on nomme ce calque une "minute" et on numéro celle-ci de manière à inventorier ce qu'elle contient.

Plusieurs dessins techniques de structures archéologiques sont dessinés numériquement.

Ensemble de dessins techniques numériques réalisés lors de la post-fouille du diagnostic d'Aschères-le-Marché les Cinq Cheminées en 2017. Ils sont réalisés en dessin assisté par ordinateur (DAO) grâce à un logiciel dédié.

Assemblage des dessins techniques et de la photo d'un four domestique/

Pour l'étude, on associe les dessins techniques numérisés et les photographies de terrain des structures archéologiques. Ici il s'agit d'un four domestique du haut Moyen Âge mis au jour lors de la fouille de Gidy rue du Château en 2017.

L'intégralité des dessins techniques réalisés à la main sur le terrain sont dessinés au format numérique afin de les intégrer dans le rapport final d'opération.

Pour ce faire les calques sont scannés et traités dans un logiciel de dessin assisté par ordinateur (DAO). Les archéologues redessinent chaque trait sur ordinateur et appliquent au dessin des normes et légendes : épaisseur de trait, couleur pour le mobilier archéologique, etc.

5/Les études des spécialistes

Des fragments de céramiques de différents types (couleurs et formes) sont éparpillés sur une table d'étude.

Variétés de céramique à trier et étudier, issue du diagnostic archéologique de Saran les Cents Arpents effectué en 2014.

Sur une table on apçoit des ossements animaux manipulés par un spécialiste, dont une mâchoire inférieure quasiment complète.

Étude archéozoologique en cours avec la phase d'observation et d'identification des matières animales. On aperçoit une mandibule de bœuf quasiment complète mise au jour lors du diagnostic de Saint-Benoît sur-Loire, 55 rue Orléanaise en 2015.

Une archéologue travaille au recollage des fragments de céramique.

Étude de la céramique en cours.

Trois illustrations sont associées : des fragments de métal découverts sur le terrain puis étudiés et identifiés au bureau.

Étude de fragments de métal découverts lors de la fouille des souterrains de Saran Portes du Loiret-zone E en 2015. Commencé dès le terrain, l'examen des fragments au bureau a permis l'identification d'une serrure médiévale et de son fonctionnement.

Vue au microscope de l'intérieur de la pâte de céramique.

Vue microscopique de l'intérieur de la pâte d'une céramique médiévale découverte lors de la fouille de Saran Portes du Loiret-Zone E en 2012.

Une fois le mobilier archéologique nettoyé et inventorié, il faut l'étudier. Chaque type de mobilier archéologique a ses spécialistes. Ils peuvent être dans l'équipe du service ou dans d'autres structures. L'étude fait alors l'objet d'une prestation.

Comment ça marche ?

L'étude du mobilier archéologique passe par l'observation précise et la description technique de ce qui a été mis au jour. Concernant la céramique, on va regarder la forme et le type de pâte qui la compose. Il faut parfois chercher à "reconstituer" l'objet complet à partir de fragments retrouvés séparés sur le terrain, à la manière d'un puzzle. Étape fréquente pour la céramique, cela s'applique aussi aux ossements animaux par exemple le but est de déterminer de quelle partie du squelette il s'agit et si elle est complète ou non.

Pour identifier de quelle céramique, de quel os ou encore de quel outil il s'agit, les spécialistes procèdent par comparaison à l'aide de référentiel. On compare le fragment de céramique avec d'autres poteries plus complètes pour savoir s'il s'agit de la même forme. On compare un fémur animal issu du site étudié avec un squelette complet de cheval (squelette de référence) pour déterminer s'il s'agit ou non d'un os de cette espèce. On compare un fragment de métal à des outils connus sur d'autres sites archéologiques pour identifier la fonction de l'objet. Etc.

Il est important de noter que les possibilités de l'étude sont liées intrinsèquement à l'état de conservation du mobilier archéologique : un mauvais état de conservation peut limiter les interprétations et les hypothèses à en tirer. Au final, toutes ces étapes et observations sont consignées à l'écrit dans une étude présentée par le ou la spécialiste dans le rapport de fin d'opération, appuyée par des dessins, des photographies, etc.

Quels objectifs ?

L'étude du mobilier archéologique apporte des informations de plusieurs types :

  • la datation : la céramique ou encore les objets du quotidien (outils, bijoux, etc.) sont par exemple des marqueurs importants.
  • la fonction des structures archéologiques dans lesquels il est mis au jour : trouver des indices d'artisanat du textile à l'intérieur d'un bâtiment permet d'envisager un atelier de tisserand.
  • les activités des habitants : mettre au jour des outils agricoles en grande quantité indique de l'agriculture probablement à proximité, des outils spécifiques couplés avec un foyer et des micro-fragments de métal pourraient indiquer un atelier de forge, etc.
  • le statut social des habitants : les objets du quotidien (leur qualité et leur quantité) aident à identifier le niveau de vie de la population du site.

Attention, ces informations ne sont jamais interprétées seules : elles participent à l'étude du site au même titre que l'observation des vestiges sur le terrain, l'analyse stratigraphique, etc. L'enquête archéologique est un puzzle composé de multiples pièces.

Les analyses physico-chimiques

Certains écofacts (graines, pollens, etc.) mis au jour sur le terrain nécessitent des analyses en laboratoire. Dans le cas de notre service, ces études sont effectuées chez des structures partenaires. Elles vont apporter des éclairages complémentaires à ceux des objets manufacturés :

  • la fonction de certaines structures archéologiques : des graines au fond d'une fosse peuvent indiquer par exemple un silo.
  • la datation à partir de fragments de bois (dendrochronologie, etc.) ou d'ossements (datation au carbone 14).
  • l'environnement naturel du site : les pollens conservés dans le sédiment informent par exemple sur la flore présente autour du site à l'époque étudiée.
  • l'état de santé des habitants du site (anthropologie, parasitologie, etc.).

6/Le croisement et l'interprétation des données

Toutes les étapes citées précédemment participent à l'enquête archéologique. Elles sont systématiques et indispensables. C'est à partir de toutes ces informations que les archéologues émettent des hypothèses à l'échelle globale du site.

L'archéologue interprète l'organisation spatiale du site (à partir des données en système d'information géographique SIG), met en place une chronologie incluant tous les vestiges (basée sur la stratigraphie et les datations diverses), propose une image de la vie sur le site avec le statut social de la population, ses activités voire son état de santé (grâce aux études de mobilier) et dépeint l'environnement du site (grâce aux analyses), etc.

Plan topographique d'un diagnostic archéologique représentant les vestiges mis au jour.

Plan effectué avec le SIG : il représente l'emprise et les vestiges mis au jour lors du diagnostic de Traînou-le Vieux Moulin en 2018 ainsi que les données de deux chantiers adjacents réalisés par l'Inrap.

Ensemble de dessins techniques et de photographies d'objets triés par type de matériaux d'utilisation : poinçons, aiguilles, etc.

Étude l'instrumentum effectuée pour la fouille de Saran Portes du Loiret-zone C en 2010. Ces figures regroupent des photographies et dessins techniques d'objets regroupés par type de matériaux et utilisation : poinçons, aiguilles, lissoirs, etc.

Assemblage des dessins techniques et de la photo d'un four domestique/

Pour l'étude, on associe les dessins techniques numérisés et les photographies de terrain des structures archéologiques. Ici il s'agit d'un four domestique du haut Moyen Âge mis au jour lors de la fouille de Gidy rue du Château en 2017.

Quatre cartes qui étudient chacune la répartition dans l'espace d'un type de mobilier archéologique découvert dans un fossé lors d'une fouille.

Cartes de répartition du mobilier archéologique (céramique, faune, etc.) dans les fossées d'enclos gaulois découvert lors de la fouille de Saran Portes du Loiret-Zone E en 2012. Elles ont été réalisées grâce au SIG.

7/Le rapport final d'opération

Des rapports d'opérations archéologiques sont posés empilés sur une table.

Chaque opération archéologique donne lieu à un rapport final d'opération (RFO).

Pour quoi faire ?

L'ensemble des données de terrain et des études de la post-fouille fait l'objet d'un rapport final d'opération (RFO). Il est rédigé par le ou la responsable d'opération en collaboration avec l'équipe de terrain ainsi que les spécialistes ayant participé aux différentes études. L'objectif est de regrouper les informations obtenues. Ce rapport a plusieurs destinations :

  • Il est lu et évalué par l'État, via le Service régional d'archéologie (SRA) qui assure le contrôle scientifique et technique de l'opération archéologique.
  • le rapport est une archive disponible pour tous les professionnels de l'archéologie qui peuvent avoir besoin de consulter ses données dans le cadre d'une autre intervention archéologique, d'une étude universitaire ou encore d'une valorisation (exposition, etc.).
  • le rapport est public : il peut être consulté par tous les usagers sur demande.

La publication assistée par ordinateur (PAO)

Comme l'équipe du service est très polyvalente, nous réalisons nous-même le montage et la mise en page du RFO. Cette étape de publication assistée par ordinateur (PAO) est réalisée grâce à un logiciel dédié. À partir d'une maquette fixe, nous intégrons les documents administratifs, le texte scientifique, les inventaires issus des bases de données ainsi que toutes les figures (illustrations, tableaux, graphiques, etc.).

Exemple de rapport final d'opération

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