Mobilier archéologique : la chaîne opératoire
Entre sa découverte sur le terrain et son stockage dans des conditions optimales, le mobilier archéologique suit une chaîne opératoire précise pour son traitement, son étude et sa conservation. Décryptage en images.
Le mobilier archéologique mis au jour sur le terrain se compose d’artéfacts (objets fabriqués) ou d’écofacts (éléments naturels apportant une information archéologique sur le site ou son environnement).
Pour la première catégorie, on peut citer les objets en céramique, en métal, en pierre, en verre et d’autres matériaux. Pour la seconde, il peut s’agir d’ossements humains, de faune (restes d’animaux consommés ou élevés), de graines brûlées, etc.
La chaîne opératoire de traitement du mobilier archéologique se déroule de sa découverte sur le terrain jusqu'à sa conservation au long terme.
1/Le lavage
Le lavage doit s'adapter à la fragilité du mobilier archéologique. Il peut être réalisé à l'eau ou à sec.
Pour le lavage à l'eau, le mobilier n'est pas immergé mais plutôt trempé pour ramollir les sédiments collés.
On procède au nettoyage à la petite brosse à main, voire à la brosse à dents. D'autres outils doux en bois peuvent être ponctuellement utilisés.
Il convient par exemple à la terre cuite architecturale (tuiles et briques) ainsi qu'à la céramique de certaines périodes. Le lavage à l'eau peut aussi être utilisé pour les objets en pierre. Il faut cependant procéder avec douceur pour les silex taillés sur lesquels les brosses peuvent laisser des traces faisant obstacle à leur étude.
Le lavage à sec est préconisé pour les objets en métal. Après un séchage du mobilier archéologique à l'air libre, le nettoyage se fait avec une brosse à dents ou des outils doux et adaptés.
2/Le sèchage
Chaque mobilier archéologique est laissé à sécher le temps nécessaire pour laisser évaporer l'humidité due à son passage dans le sous-sol archéologique ou au lavage à l'eau.
Ce temps est relatif au type de matériau de l'objet : un morceau de céramique mettra moins de temps à sécher qu'une tuile ou une brique.
Ce séchage est nécessaire pour conserver ensuite le mobilier en sac sans risque de moisissures ou d'humidité résiduelle qui pourrait l'endommager dans le temps.
Une exception : le mobilier découvert en milieu humide
Certains matériaux sont découverts dans des milieux humides voire complétement immergés dans l'eau (contexte de rivière ou de nappe phréatique). Cela permet ainsi la préservation d'objets en bois ou en cuir par exemple, qui au milieu de sédiments habituels seraient détruits par le temps.
Cette conservation inespérée de matières organiques est due au milieu humide qui ne permet pas le contact entre le matériau périssable et l'oxygène dans l'air, combinaison qui crée la moisissure et la détérioration progressive; on dit que le milieu est anaérobie.
Cependant, afin de permettre une conservation correcte dans le temps de ces matériaux, il faut maintenir cette protection de l'oxygène contenu dans l'air. Le meilleur moyen est souvent la conservation de l'objet immergé dans l'eau.
3/Le conditionnement et l'inventaire
Une fois le mobilier archéologique nettoyé et séché (si besoin), il est conditionné dans un sachet adapté sur lequel se trouvent les informations nécessaires à son identification :
- nom du site archéologique
- numéros d'identification du site archéologique
- numéro de l'entité archéologique (EA) dans lequel le mobilier a été trouvé, c'est-à-dire la structure archéologique : trou de poteau, fosse, etc.
- numéro de l'unité stratigraphique (US) dans lequel le mobilier a été trouvé, c'est à dire la couche de sédiment
- quelques informations supplémentaires le cas échéant : numéro de sondage, de coupe stratigraphique, etc.
En parallèle, le contenu de chaque sachet est inventorié. On note le nombre d'éléments dans chaque sac, leur poids, le numéro de la caisse dans laquelle le sachet est rangé, etc. Ces informations sont saisies dans une base de données. Cela permet de pouvoir situer et retrouver en un coup d'œil chaque mobilier archéologique si besoin : lors de l'étude par le ou la spécialiste, du versement des collections à l'État, etc.
Cas particulier : les radiographies
Le mobilier métallique se corrode dans le temps. Il arrive donc que les objets en métal découverts sur un site archéologique ne soient plus reconnaissables. Seule une gangue de corrosion (rouille) est observable à l'œil nu.
Dans ce cas, il est possible de réaliser des radiographies des objets, en partenariat avec des services d'hôpitaux ou des prestataires. Tels les os dans le corps humain, le métal va apparaître en contraste avec la corrosion. Il sera alors plus facile d'identifier une forme reconnaissable et de déterminer ce qui est conservé de l'objet de départ.
Sur la base de ces informations, des choix de restauration de l'objet peuvent être effectués.
4/L'étude des spécialistes
Chaque type de mobilier archéologique fait l'objet d'une étude spécifique dirigée par un ou une spécialiste du domaine. Le service compte parmi les compétences de ses archéologues plusieurs spécialités liées au mobilier archéologique.
L'étude peut aussi être réalisée par des spécialistes d'autres structures et faire alors l'objet d'une prestation.
Des points communs existent sur la méthode d'étude des différents mobiliers : leurs étapes de travail.
Identification
Pour un objet manufacturé, il faut déterminer le ou les matériaux dans lesquels il est fabriqué : céramique, verre, métal, minéral, etc. Pour un écofact, il faut aussi identifier le matériau : os humain ou matière animale (os, bois de cervidés, etc.).
Comparaison
Cette étape peut être effectuée grâce à un corpus d'objets ou de matériaux conservés au service et qui servent de référentiel.
Par exemple, l'archéozoologue peut avoir des squelettes de référence de certaines espèces animales. Ainsi, lorsqu'il étudie un fragment d'humérus incomplet difficile à caractériser, il peut vérifier s'il s'agit bien de mouton comme il le suspecte.
Recherche bibliographique
Pour apporter des éléments de comparaison, il faut chercher des références sur d'autres sites archéologiques : rapports, publications, réseaux de spécialistes, ressources en ligne, etc.
5/Interprétation des données
L'étude du mobilier archéologique apporte des informations de plusieurs types :
- la datation : la céramique ou encore les objets du quotidien (bijoux, etc.) par exemple sont des marqueurs importants
- la fonction des structures archéologiques : trouver des indices d'artisanat du textile à l'intérieur d'un bâtiment permet d'envisager un atelier de tisserand
- les activités des habitants : mettre au jour des outils agricoles en grande quantité indique de l'agriculture probablement à proximité, des outils spécifiques couplés avec un foyer et des micro-fragments de métal pourraient indiquer un atelier de forge, etc.
- le statut social des habitants : les objets du quotidien (leur qualité et leur quantité) aident à identifier le niveau de vie de la population du site
Attention, ces informations ne sont jamais interprétées seules : elles participent à l'étude du site au même titre que l'observation des vestiges sur le terrain, l'analyse stratigraphique, etc. L'enquête archéologique est un puzzle composé de multiples pièces.
Au final, toutes les observations faites lors des études de mobilier archéologique sont consignées à l'écrit et présentées par le, la ou les spécialistes dans le rapport de fin d'opération, appuyées par des dessins, des photographies, etc.
6/La stabilisation et la restauration du mobilier archéologique
Les éléments les plus fragiles peuvent aussi être envoyés en laboratoire pour être stabilisés avec des produits adaptés (qui stoppent la corrosion par exemple).
Et, si leur intérêt scientifique le justifie, en accord avec l'État, certains mobiliers peuvent aussi être intégralement restaurés. En plus d’empêcher une détérioration ultérieure, l’objet est « nettoyé » de la corrosion ou des affects du temps.
7/Gestion et conservation du mobilier archéologique
Le service dispose d'une autorisation temporaire pour conserver le mobilier archéologique le temps de l'étude du site archéologique. À terme, il doit être versé à l'État (cf dernière étape de cette page).
Cependant, le service est tenu de conserver ce mobilier dans des conditions de conservation adaptées (température, humidité, type de contenants, etc.).
Cela signifie aussi tenir à jour les inventaires des centaines de caisses de mobilier archéologique conservées temporairement par le service. En effet, il faut pouvoir trouver aisément la localisation du mobilier de chaque site archéologique en cas de besoin : étude par les spécialistes, besoin de restauration, etc.
8/Le versement du mobilier archéologique
La législation encadre très précisément la propriété du mobilier archéologique.
La conservation de ce mobilier au sein du service est temporaire et liée à l'étude qui doit en être faite pour la compréhension du site archéologique. Une fois l'ensemble de la chaîne opératoire effectuée, le service prépare le moment où le mobilier archéologique va être "versé", c'est-à-dire confié, à l'État dans le Centre de Conservation et d’Étude (CCE) qui regroupe les méthodes optimales de conservation à long terme.
Les caisses doivent être adaptées au mobilier qui les remplit. Elles sont numérotées et étiquetées de manière à identifier facilement le site archéologique d'origine, le type de matériau, etc. À l'intérieur d'une caisse se trouve également un inventaire imprimé, extrait de la base de données qui liste ce qu'elle contient.
Cette qualité de conservation permet aux chercheurs et chercheuses qui pourraient être intéressés et intéressées, même des années plus tard, d’avoir accès au mobilier sur rendez-vous.