Quand archéologie rime avec agriculture et élevage 🚜​

30 juin 2022

[Focus] Avec l’été vient le temps des moissons. L’heure pour l’archéologie de faire un point agricole. Outils, bâtiments, restes organiques, etc. Les indices sur nos chantiers sont variés. Comment leur découverte et leur étude en post-fouille permettent de restituer les pratiques agricoles et le paysage d’un territoire dans le passé ? Explications.

Une moissonneuse récolte dans un champ de céréales.

Un site archéologique peut compter des indices très variés de la présence d’activités agricoles ou pastorales. Ils se partagent entre trois éléments :

  • le mobilier archéologique  qui contient les artéfacts (objets  fabriqués par l’humain) et les écofacts  (restes organiques conservés sur le site comme des graines par exemple)
  • les structures archéologiques qui sont les vestiges construits ou creusés par les humains implantés sur le site : bâtiments, fossés, etc.
  • les études paléo-environnementales qui peuvent être effectuées après la phase de terrain à partir de prélèvements effectués sur le site. Elles peuvent être effectuées à la recherche d’écofacts plutôt invisibles à l’œil nu.

Tous font l’objet de démarches spécifiques pour en tirer le plus d’informations possibles.

Des structures archéologiques

Parmi les indices d’activités de culture ou d’élevage d’animaux, on trouve les fossés parcellaires. Comme leur nom l’indique, ces fossés délimitent des parcelles de terrain entre propriétaires ou entre différentes activités. Ils existent dès le Néolithique et  jusqu’à aujourd’hui. Si une parcelle est vide d’autres vestiges archéologiques (bâtiments par exemple), cela peut signifier qu’elle est utilisée pour la culture ou la pâture.

Photo d'une coupe archéologique dans un fossé.

Vue d'un fossé découvert lors de la fouille de Saran Portes du Loiret-Zone E en 2012.

Un silo creusé dans le sol présente un comblement de sédiments très variés qui forment des couches distinctes superposées.

Silo gaulois de forme tronconique. Il a été "coupé en deux" pour observer les couches stratigraphiques qui le comblent.

Une autre structure « en creux » est régulièrement mise au jour dans le cadre d’occupations protohistoriques ou médiévales et peut être rattaché à l’agriculture : le silo.

Ce trou creusé dans le sol permet la conservation des grains à l’échelle d’une propriété voire d‘un village avec des aires d’ensilage regroupant plusieurs silos.

Les bâtiments utiles à l’agriculture ou l’élevage d’animaux sont variés : granges, étables, greniers à grains, etc.
Pour une grande partie des époques étudiées par le service (Protohistoire, Antiquité et Moyen Âge), ces bâtiments possèdent une ossature en bois. Leur charpente repose sur des poteaux plantés au sol et calés ; les murs sont généralement réalisés en terre à bâtir (torchis, pisé, etc.).

Cependant, le bois comme la terre à bâtir sont des matériaux périssables, c’est-à-dire qu’ils se détruisent naturellement dans le temps. Leur conservation n’est possible que dans certaines conditions climatiques (milieu humide par exemple) ou après un évènement particulier (comme un incendie).
Les archéologues retrouvent donc le plus fréquemment les trous qui ont servis à placer les poteaux.

Or, l’existence la présence de trous de poteaux formant un bâtiment à ossature en bois ne signifie pas forcément qu’il soit dédié aux activités agro-pastorales. Il peut aussi s’agir d’une habitation ou d’un bâtiment lié à l'artisanat. C’est donc l’ensemble des faisceaux d’indices (mobilier et structures archéologiques ainsi que les analyses paléo-environnementales) qui peut permettre l’identification de sa fonction.

Vue de plusieurs trous de poteaux qui forment un bâtiment de plan rectangulaire.

Vue de plusieurs trous de poteaux découverts lors de la fouille de Traînou-la Giraudière en 2013. Leur répartition forme un bâtiment daté de l'époque médiévale. Les pointillés représentent son plan rectangulaire avec partition interne.

Des artéfacts

Quelques exemples d’outils utilisés pour le travail dans les champs :

  • faux
  • serpe
  • houe
  • pelle bêche

Ces objets, souvent en fer, peuvent se conserver dans le temps malgré la corrosion qui « grignote » lentement le métal.

Photos et dessins d'outils agricoles.

Exemples d'outils agricoles médiévaux découverts lors de la fouille de Saran Portes du Loiret-zone E en 2012 : serpe, émondoir, etc.

Photos et dessins techniques d'outils agricoles.

Exemples d'outils agricoles médiévaux découverts lors de la fouille de Saran Portes du Loiret-zone E en 2012 : pelle-bêche, houe.

Les objets mis au jour sur un site peuvent aussi être des outils de transformation de produits de culture. La meule, par exemple, permet de moudre les grains en farine. Le mortier quant à lui va être utilisé pour écraser la nourriture, plutôt dans un cadre domestique comme la préparation de repas.

Peu d’objets manufacturés mis au jour sur les sites archéologiques indiquent clairement l’élevage d’animaux. En effet, cette activité nécessite peu d'outillage spécifique et qui puisse se conserver jusqu'à aujourd'hui.

Cependant, on peut citer en exemple une clarine découverte par le service en 2013.

Dessins techniques et restitution de meules.

Dessins techniques de fragments de meules médiévales découverts lors de la fouille de Saran Portes du Loiret-zone E en 2012 (à gauche), accompagnés d'une restitution de meule complète (à droite).

Clarine antique découverte lors de la fouille de Poupry ZAID Villeuneuve en 2013. Cette cloche en fer doré est accrochée au cou d’animaux d’élevage. Sa petite taille laisse supposer qu’elle est utilisée pour des moutons ou des chèvres.

Des écofacts

Au niveau macroscopique, ce sont notamment les graines carbonisées. Il peut en rester par exemple au fond des silos. Afin de vérifier leur présence, du sédiment est prélevé puis tamisé à l’eau : en effet, les graines carbonisées flottent en surface, ce qui permet d’en récupérer un maximum. C’est ensuite le ou la carpologue qui va les étudier (identification, comptage, etc.).

Ensuite, il existe plusieurs types d’études paléo-environnementales qui peuvent être réalisées afin d’identifier les éléments naturels conservés au niveau microscopique (pollens, parasites, etc.) et présents des sédiments prélevés sur le terrain.

L’objectif de cette recherche est une compréhension globale du paysage naturel sur le site archéologique et autour de celui-ci : présence de forêts, de pâtures voire de cultures céréalières.

Vue au microscope d'un pollen d'aune.

Vue au microscope d'un pollen d'aune découvert lors de l'étude du site de Sandillon les Fraudes-RD921 en 2020.

D’autres écofacts, les matières animales, renseignent elles aussi sur les pratiques agricoles. En effet, l’étude archéozoologique identifie les espèces animales auxquelles appartiennent les ossements retrouvés sur le site. Elle peut déterminer aussi l’âge de l’animal ou encore son état de santé.

Cela informe notamment sur la consommation alimentaire du site et l’usage quotidien des animaux : travail agricole, trait dans les champs, production de lait, de laine, etc.

Un squelette quasi complet de chien se trouve au fond d'un vaste trou circulaire.

Vue d'un squelette quasi complet de chien découvert au fond d'un silo pendant la fouille de Saran-Portes du Loiret-zone C en 2010.

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